dimanche 3 février 2013

UNE SI PETITE HUMILIATION


PHILOSOPHIE DU DROIT DES FEMMES
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LE RIRE DU DIABLE


LE RIRE .»

La joie serait le sentiment de la victoire.
Le rire serait le sentiment de l’échec, de la vie devant du mécanique.
Survivre suppose des victoires.

Le malheur est comique parce qu’il arrive toujours : en rire c’est ne pas oublier d’être joyeux malgré lui.
Entre habitués des persécutions en tout genre, rire du malheur, de la bêtise des choses, de la mort dans la vie, c’est ne pas oublier que comme nous la comprenons, nous pouvons la vaincre,
(nous devons essayer de la vaincre, en ce sens : ne pas oublier d’être joyeux).
Le rire est le début de la victoire - ensemble - de l’intelligence sur la mort.

Il faut avoir la bêtise de croire que le malheur n’arrive qu’aux coupables pour ne rire que par moquerie.
Pour rire d’eux et pas avec eux.

.» ET CELUI DU DIABLE

Le plaisir est le guide animal, instinctif, vers ce qui nous permet de survivre.
Le pervers utilise ce qui est pour le bien, pour le mal, ce qui est pour la vie pour la mort.
D’où :
Le rire du diable est le plaisir de la mort de l’autre. La jouissance de vaincre en écrasant le plus faible.

DERISOIRE

Le plus faible qui se révolte est risible : il se débat vainement, vaincu d’avance.

Les problèmes des petits, des femmes, apparaissent dérisoires, parce qu’ils viennent de gens qui paraissent en eux mêmes dérisoires, quantité négligeable.
Comment a t on pu rire des femmes battues, comment les lettrés chinois ont ils pu rire de la question des pieds bandés, comment les médecins viennois du XIX° ont ils pu rire, au point de le rendre fou, du Dr Semmelweiss qui, dans un hôpital où plus de la moitié des accouchées mourraient de fièvre puerpérale[1], avait découvert que se laver les mains avant de toucher les femmes réduisait les cas d’infection et demandait que cette méthode soit appliquée .», comment De Gaulle a-t-il pu parler d’un ministère du tricot, sinon par cet automatisme de mépris ?

La loi du plus fort veut que le plus fort ait raison.
Les frustres confondent plaisir de triompher avec vérité.
Ils prennent leur envie de rire pour la preuve que le plus faible a tort.

Alors que le rire est l’indice d’une oppression.
Si le plus faible se débat c’est qu’il souffre, si les plus forts rient c’est de leur triomphe sur lui, c’est qu’il y a triomphe, qu’ils en retirent profit, c’est que la souffrance du plus faible n’est pas un fait de la nature, mais une situation d’exploitation.
Si le combat du plus faible est perdu d’avance c’est que le déséquilibre des forces est trop grand.
L’exploitation rendue possible par le déséquilibre des forces s’appelle l’oppression.

Il y a des rires dont on doit avoir honte.
Rires de porcs vautrés dans leur plaisir d’écraser.


PUNITION DE LA VIOLATION DE LA COUTUME

Byzarrement, Bergson[2] ne semble voir dans le rire que le rire sur l’autre, la moquerie.
Après avoir expliqué que le rire vient " Du mécanique plaqué sur du vivant" : " Nous rions chaque fois qu'une personne nous donne l'impression d'une chose", Henri Bergson décrit la fonction punitive du rire.

"En un mot, si l'on trace un cercle autour des actions et dispositions qui compromettent la vie individuelle ou sociale et qui se châtient elles mêmes par leurs conséquences naturelles, il reste en dehors de ce terrain d'émotion et de lutte, dans une zone neutre où l'homme se donne simplement en spectacle à l'homme, une certaine raideur du corps, de l'esprit ou du caractère, que la société voudrait encore éliminer pour obtenir de ses membres une plus grande élasticité et la plus haute sociabilité possibles. Cette raideur est le comique, le rire en est le châtiment."
"Le rire est, avant tout, une correction. Fait pour humilier, il doit donner à la personne qui en est l'objet une impression pénible. La société se venge par lui des libertés qu'on a prises avec elle.(…) En général et en gros, le rire exerce sans doute une fonction utile. (…). Mais il ne suit pas de là que le rire frappe toujours juste, ni qu'il s'inspire d'une pensée de bienveillance ou même d'équité.
Pour frapper toujours juste, il faudrait qu'il procédât d'un acte de réflexion. Or le rire est simplement l'effet d'un mécanisme monté en nous par la nature, ou, ce qui revient à peu près au même, par une très longue habitude de la vie sociale.(…) Le rire châtie certains défauts à peu près comme la maladie châtie certains excès, frap­pant des innocents, épargnant des coupables, visant à un résultat général (…) Il en est ainsi de tout ce qui s'accomplit par des voies naturelles au lieu de se faire par réflexion consciente. (…) Répétons qu'il ne doit pas non plus être bon. Il a pour fonction d'intimider en humiliant. "

UNE SI PETITE HUMILIATION

Les revendications des femmes contre les petites humiliations semblent dérisoires. Le rire semble une petite humiliation. Il y aurait toujours plus urgent à faire.

L’humiliation n’est jamais gratuite, jamais uniquement symbolique.
Personne n’accepte de courber l’échine devant un autre, de « se laisser humilier avec le sourire », s’il n’y est pas contraint, acculé, s’il n’est pas dans une telle position de faiblesse, que bien d’autres contraintes abusives, injustices et violences peuvent lui être infligés.
On n’humilie pas par inadvertance, si celui qui humilie était quelqu’un de bien il n’humilierait pas, ou s’arrêterait et s’excuserait immédiatement.
L’humiliation est menace d’employer la force, elle sert à obtenir ce que l’on veut sans même se fatiguer à employer la force, à obtenir la résignation de l'autre à son sort, elle prépare et facilite toujours des violences physiques, de l’exploitation économiques donc finalement physique de l’humilié-e.
« Puisqu’une femme, telle femme, prend moins un air de dignité, mérite moins de respect, d’estime, puisqu’elle a moins de poids, c’est que sa parole, ses actes ont moins de poids, c’est qu’elle et son travail valent moins.» » estiment plus ou moins explicitement les supérieurs hiérarchiques.
Dès lors que l’humiliation parait possible d’autres domaines, elle n’est plus exclue dans le domaine physique, or là, l’humiliation se confond avec la violation de l’intégrité physique.

Une si petite humiliation…
Personne ne vous menace vraiment, vous paraîtriez bien folle si vous le disiez, mais tous les jours, cent fois par jour, de tous petits signes "symboliques" vous rappellent une menace possible.
Le message distillé aux femmes par cette si petite humiliation est bien : " Vous n'arriverez même pas à obtenir un droit si dérisoire, gare à vous si vous tentez d'en revendiquer de plus importants !"
L'humiliation comme terrorisme subliminal.

Toute discrimination est une humiliation.
L'impunité d’une discrimination encourage la violation des droits, accrédite l'idée que la violation des droits (des femmes) n'est pas si grave…. L'impunité de la violation d'un droit est facilement confondue avec l'absence de droit, laquelle est facilement confondue avec l'absence de valeur de la personne qui ne "mériterait" pas ces droits. Le mépris des droits des femmes a pour conséquence le mépris des femmes.
Or "Faire souffrir quelqu'un de second ordre est un crime moins grave de second ordre lui aussi…"[3]
Retour au dérisoire, et les diables sont d’avance excusés.      
Elisseievna




[1] Dans l’hopital en question la morgue voisinait la maternité, les étudiants pouvaient librement s’amuser à toucher les accouchées sous divers prétextes, et passaient des séances d’autopsie à l’ »examen » des femmes, d’où la quantité des fièvres, dont les femmes mourraient, le corps envahi de pus, dans des souffrances intolérables, qui ne dérangeaient pas grand monde parmi les médecins en dehors de Semmelweiss.
[2] Henri Bergson Le Rire Essai sur la signification du comique PUF 1940
[3] Véronique Nahoum-Grappe "Le féminin" Ed Hachette 1996

Circulaire 21 février 2012



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LA DOUBLE APPELLATION MME / MLE


LA DOUBLE APPELLATION MME / MLE

L'homme, la maman et la putain…

Les textes qui suivent ont été publiés par la Revue du CERF en 2001.

LE DROIT APPLICABLE : LA LIBERTE DE CHOISIR SON APPELLATION



LE DROIT APPLICABLE : LA LIBERTE DE CHOISIR SON APPELLATION

- Contenu (par défaut) du droit de l'appellation

L'appellation ou civilité "madame" "monsieur" etc… ne fait pas partie de l'état civil d'une personne, en droit, elles n'ont aucun rapport avec le sexe, l'âge, ou la situation matrimoniale de la personne.
Contrairement aux titres dont l'usage peut être règlementé dans certains cas[1], aucun texte ne régit, ne restreint, leur utilisation, qui est donc entièrement libre.
Tout le monde peut s'appeler et se faire appeler à sa guise "madame", "monsieur", "mademoiselle", "mondemoiseau".» y compris sur les documents les plus officiels : actes notariés, diplômes etc…

- Sources législatives et règlementaires (absences de..)

Aucune loi n'oblige et n'a jamais obligé une célibataire à s'appeler mademoiselle, de même qu'il n’existe pas de loi ayant "autorisé" les célibataires à s'appeler madame. Elles ont toujours eu ce droit.
Le seul texte applicable en la matière est la déclaration des droits de 1789 elle-même, article 5 " (…)Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. "

- Circulaires et réponses ministérielles

On rappellera qu'en vertu du principe de légalité et en application de la Constitution, seules la loi et le règlement s'imposent aux français.es, à condition d'être conformes à la Constitution et aux traités internationaux signés par la France, les règlements devant être conformes aux lois.
Les circulaires sont des "ordres" donnés par les ministres à leurs administrations. Certaines sont publiées et peuvent dans certains cas créer des droits au profit des administré-es. Mais elles ne s'imposent pas aux administré-es : "Le juge judiciaire, tant en matière répressive qu'en matière non répressive, refuse en général de tenir compte des circulaires administratives"[2].

Plusieurs circulaires et réponses ministérielles rappellent le droit applicable en ce domaine (exposé dans le premier paragraphe ci dessus) :
Circulaire ministérielle du 22/9/1967 fp n°900 ; du 3/12/1974 n°1172 du secrétaire d’état auprès du premier ministre (fonction publique) Gabriel Peronnet ; Lettre du ministre de la santé et de la famille du 29/9/1978 (siomss 78-1028-410 im/ri);
Réponses ministérielles : question n°11739 » du 10/7/1972, n°11886 du 1er/9/1972, n°5128 du 3/3/1983 JO sénat du 14/4/1983 p572 (Yvette Roudy) ; n ° 12378 à la sénatrice Luc journal des débats du sénat du 24/11/1983 p1608.

Mais nombre de documents et formulaires émanant de l'administration donne à croire qu'il n'y a pas de liberté de choix de l'appellation.
Ainsi, l'instruction générale sur l'état civil du 11 mai 1999 fait apparaître :
- (§193-2) sur les formulaires de demande de copies intégrales ou d'extraits d'acte de l'état civil, les intitulés de champs suivants :   " c  Mme c  Mle c Monsieur "
- (§ 267) dans un modèle de lettre " J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'une inscription a été prise au répertoire civil au nom de M (Mme ou Mlle) .. né(e) le …"
- (§ 389-1) dans un modèle de lettre "J'ai l'honneur de vous prier de bien vouloir procéder à une enquête sur la situation de M… domicilié à… et Mlle .. domiciliée à … qui ont constitué un dossier de mariage..", pourtant dans une lettre correspondant à la même situation, l'instruction propose une "notification aux futurs époux" commençant par ces termes : "Madame, (Monsieur), j'ai l'honneur…".
- (§461-3) dans plusieurs modèles de certificats médicaux : "Je, soussigné (e) Docteur ..; certifie que Madame (Mademoiselle) … a accouché d'un enfant.."


- Droit de la langue française

Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n°94-345 DC du 29 juillet 1994 (relative à la "loi Toubon") a rappelé que l'obligation, sous peine de sanctions, d'user de certains mots ou de certaines expressions porterait atteinte à la liberté d'expression proclamée par l'article 11 de la déclaration de 1789.
On peut estimer qu'il en serait de même de l'interdiction systématique d'emploi de certains mots.

- Autres textes généraux français que nous estimons applicables au problème de l'appellation :

Le préambule de la Constitution de 1946, reconnaît parmi les "principes particulièrement à notre temps", l'égalité de droit entre hommes et femmes.

Le code civil (art 9) prévoit le droit au respect de la vie privée.

Le code pénal prévoit des sanctions dans le cas de certaines discriminations (art. 225-1 et suiv.), atteintes à la vie privé, violation du secret professionnel (art. 226-13), injures.

Le Conseil Constitutionnel a affirmé que le droit au respect de la vie privée constitue une composante de la liberté individuelle : "Considérant que les méconnaissances graves du droit au respect de leur vie privée sont pour les étrangers comme pour les nationaux de nature à porter atteinte à leur liberté individuelle" (Décision 97-389 DC du 22/4/1997 , JO 25/4/1997 p6271s)

- Droit international (textes généraux que nous estimons applicables au domaine de l'appellation) :

La convention européenne de 1950 proclame l'égalité entre hommes et femmes , le droit à la liberté d'expression (art 10) et à la protection de la vie privée (art. 8).
Le pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 (art.17 droit à la vie privée)
La déclaration universelle de 1948 proclame les mêmes droits fondamentaux : l'égalité entre hommes et femmes, le droit à la liberté d'expression (art. ) et à la protection de la vie privée (art.).

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de 1979
prévoit que les Etats s'engagent :
- à modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes,
- à adopter les mesures législatives et d’autres mesures appropriées assorties, y compris des sanctions en cas de besoin, interdisant toute discrimination à l’égard des femmes.

- Doctrine et droit étranger sur la double appellation :

Faute de recherche systématique sur la situation à l'étranger, la liste qui suit n'a rien d'exhaustif .

L'UNESCO a publié une brochure intitulée " Pour un langage non sexiste" :
" Un des principaux domaines dans lesquels l’UNESCO mène son action en faveur de la justice, de la non-discrimination et de l’égalité des chances (.») est le langage. Il est donc de son devoir de s’employer (.») à éliminer de son propre discours (.») toutes formes de langage discriminatoires et notamment celles qui reflètent des préjugés sexistes. Cet effort doit porter à la fois sur les modes d’expression et sur les contenus, explicites ou implicites. (.»)
il s’agit d’éviter quand on parle de personnes déterminées qui sont des femmes : (…)
- les appellations qui établissent une distinction entre les femmes selon leur situation matrimoniale (« Madame », « Mademoiselle ») en leur déniant ainsi une identité propre puisque leur identité se trouve définie par leur relation avec les personnes de l’autre sexe (cette distinction, qui n’a aucune valeur juridique et qui tend d’ailleurs à s’estomper, n’est pas faite dans le cas des hommes et a donc un caractère discriminatoire)."

Arrêté du gouvernement de la Communauté française de Belgique établissant les rèles de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre du 13 décembre 1993, annexe 2, recommandation 5 :
"Il est recommandé de généraliser l'appellation Madame en lieu et place de Mademoiselle, dans les textes visés par le décrêt".

Marcelino Oreja Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, déclaration à Strasbourg le 4 mars 1986[3] :
« (.») Une femme a droit au respect de son identité et de sa vie privée. Qu’un homme soit marié ou non, la façon dont nous nous adressons à lui ne change pas. Nous l’appelons « monsieur » ou « Sir » ou »senor ». Il n’en va pas de même pour les femmes que l’on appellera suivant le cas « madame » ou « mademoiselle », « senora » ou « senorita ». Ne pourrait-on pas supprimer cette distinction et appliquer pour les femmes le même principe que pour les hommes ?»

A noter qu'en Allemagne, dans la vie professionnelle, on utilise toujours le terme Madame.


[1] Code pénal : Article 433-17 (de l'usurpation de titre attaché à une profession réglementée)
[2] Georges Vedel, Pierre Delvolvé, Droit administratif PUF 1984
[3] cité par Patricia Niedzwiecki dans "Au féminin !" Librairie Nizet 1994

L'USAGE APPLIQUE : LA DESIGNATION DES FEMMES EN FONCTION DE LEUR SITUATION DE FAMILLE


L'USAGE APPLIQUE : LA DESIGNATION DES FEMMES EN FONCTION DE LEUR SITUATION DE FAMILLE

- Usage courant

L’usage est actuellement en France :
- d’utiliser deux appellations distinctes pour les femmes, à savoir Madame et Mademoiselle, en fonction de ce que l’individu appelant la femme, connaît de la situation matrimoniale de celle-ci et non en fonction du choix de l'intéressée,
- ou de demander systématiquement aux femmes, dès qu'elles se présentent, si elles "sont" une "femme" une "jeune fille" : "mme ou mlle ?", et de leur demander de plus d'indiquer leur situation matrimoniale et éventuellement de la prouver.

- L'usage courant : une application du "droit imaginaire"

L'usage appliqué en matière d'appellation est un droit imaginaire, une règle dont tout le monde ou presque s'imagine qu'elle est obligatoire, correspondant à une coutume ancienne, mais nullement aux lois et règlements actuellement en vigueur.
Son respect est du en grande partie à la crainte de violer les règles policières relatives à l'état civil, et non à un intérêt pratique ou moral légitime reconnu par tous et encore moins par toutes…
Qui plus est, cette coutume est en contradiction avec des lois protégeant des libertés fondamentales.

- Formulaires et Informatique

La plupart des formulaires et des masques informatiques servant à mentionner la désignation, comportent trois appellations "monsieur, madame, mademoiselle".
Dans certains programmes informatiques la mention "mademoiselle" est portée automatiquement si la femme n'indique pas de nom "de jeune fille", ce qui est supposé indiquer qu'elle ne porterait qu'un "nom de jeune fille" et ne serait pas mariée, ou si elle n'indique pas qu'elle est mariée.
Dans d'autres, la mention "mademoiselle" est la mention proposée par défaut, celle qui restera dans le fichier si aucune correction n'est effectuée exprès pour la modifier.

- Dictionnaires, guide de rédaction et manuels de savoir vivre :

Les dictionnaires indiquent que le mot madame est employé pour les femmes mariées, certains indiquent qu'il l'est aussi actuellement pour les femmes en général, et que les femmes occupant certains postes sont toujours désignées par le terme "madame"[1].

La plupart des guides de rédaction de courrier donnent des modèles de lettre utilisant les appellations madame ou mademoiselles selon la situation matrimoniale supposée.

La plupart des manuels de "savoir vivre" font la même distinction, (un seul, rédigé par une femme[2], indique qu'il convient d'appeler à priori toute femme adulte madame, qu'elle pourra préciser elle même si elle préfère le mlle).
Ils expliquent qu'un homme doit se présenter en indiquant son prénom et son nom, une femme mariée le nom de son mari précédé de "madame", une "jeune fille" son prénom et son nom. Une femme qui se présente comme un homme, donc sans appellation avant son nom, est donc présumée être une "demoiselle".
Les cartes de visite doivent comporter la même désignation que celle utilisée par la personne pour se présenter verbalement.
Les manuels précisent qu'en aucun cas une célibataire ne doit se présenter comme "mademoiselle .." ou faire inscrire cette mention sur sa carte. Quelle explication donner à cette recommandation sinon qu'une telle mention pourrait passer pour une petite annonce de "demoiselle" de mauvaise vie ?


[1] Micro Robert : "Madame … titre donné par respect à certaines femmes, mariées ou non. Madame la Directrice. "
[2] Sylvie Weil Trésors de la politesse française Ed Belin 1996.

- Historique



- Historique

Etymologiquement, le mot « demoiselle", vient d’un diminutif latin de "domina" ("dame") , et désigne au moyen âge une femme noble (mariée ou non) d'une rang inférieur à celui de la "dame", alors que "demoiseau" désigne un jeune seigneur.
La "demoiselle" est donc une "jeune" personne à qui l’on doit moins de considération qu’à la dame…

Le dictionnaire étymologique et historique de la langue française[1] donne les définitions suivantes :

"Dame : (XI° s.) du latin domina « maîtresse »(…), le mot est courant au moyen âge pour désigner une femme qui détient un droit de souveraineté, qui est maîtresse d’un fief et assume une fonction de seigneur. (…) Une femme qui n’appartient pas à la noblesse n’y a pas droit, sinon par ironie. Les bourgeoises et les femmes du peuple s’attribueront ce titre au XVI° s. (.»)
Demoiselle : (XI° s.) .) du latin vulgaire dominicella, puis domnicella, diminutif de domina (…), s’applique en ancien français à une femme noble. La damoiselle dans la hiérarchie sociale du moyen âge occupe un rang moins élevé que la dame.»Elle appartient normalement à la petite noblesse, elle peut être la femme d’un écuyer. Elle est donc au dessus des bourgeoises et a un certain pouvoir de commandement.
Damoiseau : (XII°) « jeune noble (qui n’est pas encore chevalier), jeune seigneur » "

"Madame : (XII) s.) terme d’adresse qui marque d’abord en ancien français un lien de dépendance féodale ou amoureuse, puis dès le XIII° siècle appellatif de respect, sans lien de dépendance directe, exprimant la haute considération portée à une personne de statut supérieur.
Mademoiselle : (XVI° s.) figé en un seul mot apparaît tardivement, car au moyen âge le possessif implique une relation de dépendance et de sujétion.
Monsieur : (XIII° s.), terme de politesse qui s’est subsitué à monseigneur, composé de mon et de sieur, cas régime de sire, issu de seiorem, forme abrégée de seniorem « plus agé »"


[1] Emmanuèle Baumgartner et Philippe Ménard Le Livre de Poche 1996

- Idées courantes sur la politesse en matière d'appellations



- Idées courantes sur la politesse en matière d'appellations

Il est couramment affirmé :
- que "quand on ne sait pas, il faut dire mademoiselle",
- que ce titre est flatteur pour la femme désignée car il signifierait que la personne qui appelle la femme lui trouve une apparence physique de jeune fille ou jeune femme.

La politesse voudrait que l'on demande : "Comment dois je vous appeler : Mme ou Mle ? " (et jamais : "Vous êtes Mme ou Mle ? ".)
Car demander à la personne que l'on souhaite appeler, comment elle considère que l'on doit l'appeler, "comment dois je vous appeler ?", est nécessaire pour "respecter", ne pas "écorcher" son nom.
(Et par contre il est très impoli d'interroger quelqu'un sur sa vie privée…)

Or la règle qui veut que l'on prenne soin d'appeler une personne convenablement, est atténuée dans le cas de l'appellation.
Sans doute parce qu'au contraire du nom propre qui "représente" l'individu lui même, l'appellation ne paraît représenter que la catégorie dans laquelle on l'inclut, toucher à l'appellation peut donc sembler ne pas porter atteinte à l'individu dans sa personne propre.
Sans doute aussi parce que demander à une personne comment elle considère que l'on doit l'appeler prend du temps…mais cela est vrai de la plupart des règles de politesse.
Surtout semble t il à cause de la présentation du "mlle" comme flatteur, aimable à priori…

Celui qui utilise une appellation au lieu d'une autre s'excuse à peine si l'interessée lui indique son erreur, au contraire…
Le fait pour une femme de réclamer ses droits, et ainsi de contrevenir aux règles de l'usage - puisqu'ils sont en contradiction avec le droit - , est considéré couramment, comme une violation des règles de la politesse de la part … de cette femme. Assez souvent, il apparaît même comme une violation « grave », à la limite de l'injure vis à vis de ceux auprès de qui elle se voit obligée de réclamer, à la limite de la faute morale.
Cette réaction s'explique ainsi :
Le fait de réclamer à une autre personne le respect d'un droit, fait immanquablement apparaître l'autre comme ayant manqué à une règle, de droit ou de politesse, donc comme coupable, c'est une accusation implicite …donc lorsque cette accusation paraît fausse, le reproche est ressenti comme une injure injustifiée donc totalement abusive. Le fait de réclamer à une autre personne (par ex : un fonctionnaire) le respect d'un droit, alors que le travail habituel de cette personne ne comprend pas le respect de ce droit, la dérange, et par conséquent apparaît comme une véritable faute morale - "délit" d'atteinte à la tranquillité d'autrui de bafouer tranquillement vos droits, en quelque sorte.
Ici comme dans d'autres domaines, une femme "bien" est censée savoir et devoir "se laisser humilier avec le sourire"[1].

Il y a une contradiction de légitimités, une ambiguité…


[1] fragment de phrase de la princesse Galitzine, Macha Méryl, dit un jour dans les ondes, ??? lesquelles …

LES VIOLATIONS DE DROITS RESULTANT DE L'USAGE


LES VIOLATIONS DE DROITS RESULTANT DE L'USAGE

L'usage actuel constitue à notre sens la violation d'un certain nombre de droits des femmes, dont certains fondamentaux.

- Atteinte au secret de la vie privée

Cet usage a pour effet le dévoilement systématique de la situation matrimoniale des intéressées, la révélation est immédiate et irréversible.
Lorsqu'elle est faite sans autorisation préalable des intéressées, elle constitue une violation de leur vie privée, atteinte au secret de la vie privée.
La violation de la vie privée d'une personne est contraire à l'article 12 de la déclaration universelle de 1948, à l'article 8 de la convention européenne de 1950, à l'article 9 du code civil.
Quelle que soit la conception de la vie privée retenue, ce qui est atteint par la révélation, c'est un des éléments qui est "au cœur" de cette notion : l'"intimité" de la vie privée, "qui concerne la vie sentimentale, la vie familiale, la santé" [1] (donc la sexualité).

- Violation du secret professionnel

Dans les cas où la révélation elle est faite par une personne connaissant pour des raisons professionnelles la situation matrimoniale de la femme concernée, la révélation constitue aussi une violation du secret professionnel.
La violation du secret professionnel est condamnée par l'article 226-13 du code pénal.

- Agression

Imposer à une femme, dans une conversation, le registre de la séduction, par l’appui sur un « mademoiselle » présupposé par l’homme être flatteur, alors qu’elle n’a aucunement souhaité entrer dans ce registre ni donné son accord à cela, est un « coup de force », abusif et inquiétant pour elle, qui sait que marquer son refus peut lui valoir d’avoir à affronter colère et mépris de la part du « flatteur ».
La situation est encore plus stressante pour elle lorsqu’elle survient dans un cadre professionnel, lorsque l’homme est un supérieur hiérarchique ou un collègue avec lequel elle doit conserver de bonnes relations.

Comme la révélation ou l'allusion concerne les aspects sentimentaux ou intimes de la vie privée, lorsqu'elle est faite sciemment contre la volonté de la personne visée, elle représente une véritable agression, une atteinte à la "privacy", à la "tranquillité de la vie privée".
Lorsque l'allusion est faite en insistant lourdement sur l'intimité de la vie privée, cela tourne à l'obscénité, au voyeurisme et donc à l'agression sexuelle, car comme l' a montré Freud [2], l'allusion à la vie sexuelle est une atteinte physique.

- Insulte

Le fait d’appeler une personne par un nom qu’elle refuse de se voir attribuer constitue en soi un manque de "civilité", une atteinte à sa dignité, et lorsqu'il est délibéré, une insulte. L'insulte est d'autant plus grave que le terme employé a des connotations péjoratives ou dépréciatives, ce qui le cas de "mademoiselle".

Ces connotations sont opposées : soit vieille fille, soit pute. Le terme évoque l'image générale d'une femme qui n'assume pas son role naturel, n'est pas accomplie, immature, mineure, voir déséquilibrée.
"Mme Doï est célibataire et sans enfants, ce qui la rend inapte à exercer une responsabilité dans le monde politique. D’ailleurs la place des femmes est au foyer."[3] " Des demoiselles à 20 000 F la nuit pour les arbitres- Des "cadeaux" mais jamais d'argent selon les prévenus du procès des girondins"[4]

Célibataire = sorcière
La célibataire est diabolisée dans la plupart des "civilisations". C'est la sorcière. Inutile et à éliminer.
Françoise Héritier Augé[5] par exemple a montré jusqu'où pouvait aller la croyance au caractère démoniaque des femmes seules (célibataires, veuves ou divorcées) , l'infantilisation des femmes qui n'ont pas enfanté.
La littérature psy et médicale regorge de perles sur les prétendues névroses et déséquilibres des célibataires : dangereuses pour elles mêmes et pour les autres, donc coupables[6]. " La femme qui n'a qu'elle même est un diable" disait il y a peu Louis Pauwels[7]

- Impolitesse

Le fait de poser des questions indiscrètes est un manque flagrant au règles élémentaires du savoir vivre, le refus d'y répondre, un droit élémentaire.
Mais nous avons vu que les ambiguités de l’usage actuel fait, à l'inverse :
- du comportement qui devrait être compris comme grossier - l'interrogatoire de la femme sur sa situation de famille - un comportement apparaissant prévenant (on interroge la femme pour éviter de commettre un écart aux règles du savoir vivre sur l'appellation),
- et de la réaction normale à cette incongruité - le refus opposé par la femme questionnée - un comportement déviant.

Compte tenu de cette ambiguité, tout le monde, hommes et femmes, peut se trouver dans la situation déplaisante de paraître offensants, dans un domaine particulièrement gênant, sans avoir voulu offenser. C'est une des conséquences absurdes de l'usage actuel.

- Discrimination

L'usage est discriminatoire envers les femmes, car les hommes ne voient pas exposés aux mêmes questions et révélations, personne ne se permet de demander à un homme dès qu'il se présente « monsieur ou mondemoiseau ? marié ou célibataire ?" …
La discrimination est définie par le code pénal, article 225-1, comme une distinction en fonction, entre autres, du sexe ou de la situation de famille.


[1] M.Chavanne, cité par Isabelle Lolies "La protection pénale de la vie privée" Presse universitaire d'Aix-Marseille 1999
[2] Freud Les mots d'esprit Gallimard 1988 (Imago Publishing co, Londres 1940)
[3] Un ministre japonais au sujet de Takako Doi, présidente du parti socialiste du Japon. Patrice Piquard L’évènement du Jeudi 23 mai 1991.
[4] Libération 3 mars 1999, Marc Pivois
[5] Masculin/Féminin, la pensée de la différence Ed. Odile Jacob 1996
[6] « Dans l’intérêt public, les fantaisies désordonnées de la femme qui souffre d’un complexe de masculinité et qui veut faire carrière, doivent être combattues. Quant aux célibataires de plus de trente ans - à moins d’une carence physiologique reconnues - elles doivent être encouragées à se faire psychanalyser. » Farnham et Lundberg cités par Benoîlte Groult Cette Mâle assurance page 122.
[7] cité par Benoîlte Groult Cette Mâle assurance page 241

LA REVENDICATION DE L'USAGE PAR DES FEMMES



LA REVENDICATION DE L'USAGE PAR DES FEMMES

- Les vieilles demoiselles

Réacs et fières de l’être, à qui l’on a appris à prendre la "vertu" pour une vertu, et la transparence, même obscène, pour de l’honnêteté : nous ne les obligerons pas à changer.»

- Les femmes qui veulent affirmer leur autonomie

Des femmes revendiquent le "mademoiselle" comme signe que le statut d'une femme n'est pas obligatoirement d'être une femme mariée, une "madame à monsieur", elles souhaitent affirmer leur choix de la vie indépendante, montrer qu'elles sont loin d'en avoir honte.
Pour affirmer leur insoumission, elles se soumettent à un mode de nomination infériosant. Pour affirmer leur identité, elles tombent dans le piège l'identité, de l'identité définie par l'autre : croyant marquer fortement "leur" identité, elles laissent l'autre définir les identités possibles.
Elles oublient que refuser d'être vaincue, dominée cela commence par refuser que l'autre pose seul les règles du jeu.

- Les femmes soucieuses d'assumer "leur" identité

Plus grave, certaines se laissent convaincre qu'il y aurait une sorte de nécessité médicale, une nécessité psychologique, d'"accepter son identité", acceptant de reconnaître une réalité personnelle, ontologique, à la division sociale, comme si une femme était intrinsèquement plus "dame" ou "demoiselle" qu'un homme n'est "sieur" ou "demoiseau".
Si danger psychologique il y a, il se trouve certainement, à l'inverse, dans le fait d'accepter d'être définie, dite, "parlée" par autrui, et non par soi même, dans l'abdication que ceci représente, de sa propre existence comme sujet, comme personne.

- Les femmes qui ne veulent pas être appelées comme la femme de leur père

Enfin, d'autres femmes craignent de porter le "madame" devant "leur" nom… qui est celui de leur père, par peur de la confusion avec le rôle de l'épouse de leur père : je ne suis pas la femme de mon père. La peur du signe incestueux.
Cette représentation est liée au fait qu'une femme est censée porter le nom de son mari, et ne conserver le nom de son père qu'aussi longtemps qu'elle reste une "jeune fille", une célibataire : un jeune homme ne se demande pas s'il peut être pris pour le mari de son père sous prétexte qu'il porte le même nom que lui précédé de monsieur. Notons que tout se passe, d'une manière très irréaliste, comme s'il ne craignait pas non plus une autre confusion plus plausible : être pris pour son père lui même… nous reviendrons sur ce point dans la partie consacrée au nom des enfants.

LA FORCE DE L'USAGE : OBSTACLES RENCONTRES PAR LES FEMMES QUI SOUHAITENT FAIRE RESPECTER LEURS DROITS



LA FORCE DE L'USAGE : OBSTACLES RENCONTRES PAR LES FEMMES QUI SOUHAITENT FAIRE RESPECTER LEURS DROITS


- L'ignorance du droit

Ignorance par les femmes :
La plupart des femmes pensent que l'appellation fait légalement partie de l'état civil et par conséquent, ne songent même pas à demander que l'on déroge à ce qu'elles croient être la loi. Elles pensent qu'elles ne peuvent pas refuser. Elles pensent que sans être mariées, elles n'ont pas "droit " au titre de madame.

Ignorance par les interlocut-eurs des femmes :
La plupart des gens (y compris parmi les membres de l'Administration, les officiers ministériels et autres juristes !) amenés à désigner une femme :
- croient qu'ils sont obligés de la désigner en fonction de sa situation de famille, et qu'elle a l'obligation de porter le titre "correspondant" à sa situation et n'a pas droit à un autre titre, se croient autorisés à l'appeler mle malgré son refus
- et par conséquent croient qu'ils sont obligés d'interroger la femme sur sa vie privée, autorisés non seulement à lui poser des questions relatives à sa sexualité et sa famille mais à lui demander la preuve, la justification de sa réponse " madame : alors vous êtes mariée, divorcée…pourquoi n'avez vous pas d'alliance ?…", et croient qu'elle a l'obligation non de répondre à leurs questions. 

- La reconnaissance de la "coutume" contra legem (contraire à la loi)

Pour certains juristes praticiens (il n'y a pas de jurisprudence), le fait que l'usage ne repose sur la loi, et soit en contradiction avec des droits reconnus par la loi, n'empêcherait pas la coutume de s'imposer, d'acquérir force de loi…

Cette réaction est en opposition radicale avec les principes de base du droit français, fondé sur le principe de légalité.
La reconnaissance par la jurisprudence d'une coutume contra legem est rarissime en droit français. Le seul cas reconnu actuellement concernant les "dons manuels", c'est à dire les biens, il s'agit d'éviter d'imposer la formalisme lourd d'un acte notarié pour des dons de valeur relativement faible et d'une sorte d'"amnistie" permanente de droit de succession pour des montants peu élevés. La coutume ainsi reconnue est donc un "droit plus doux" que la règle légale.
Par contre, à notre connaissance aucune coutume contra legem en matière de droit des personnes n'a été reconnue… sauf, par le passé en ce qui concerne .»les nom des femmes mariées (voir thème suivant).

- Les inconvénients pour les tiers du respect du droit

Une entreprise pourra craindra que son employée, en portant une appellation non conforme à l'usage, ne donne de l'entreprise une image "marginale" "excentrique"…

- Les dangers de la revendication : la condamnation de la femme qui revendique

Compte tenu de l'ignorance générale du droit et du non respect général et généralement admis du droit, la célibataire qui demande a être appelée madame passe le plus souvent :
soit pour une fraudeuse ou une faussaire,
soit pour une escroque qui tente d'entraîner les autres dans l'illégalité,
soit pour une malpolie qui ignore les règles élémentaires de la vie en société,
soit pour une déséquilibrée qui n'accepte pas son identité,
soit pour une folle qui ne connaît la réalité de ses droits,
soit pour une folle qui ne sait pas qu'elle "doit" renoncer aux droits que l'usage lui refuse,
soit pour une impudente qui prétend à un honneur auquel elle n'a pas droit,
pour coupable d'atteinte au droit acquis des praticiens à la négligence du droit,
coupable de faire perdre du temps aux professionnels,
coupable par là d'un abus de droit …
pour une féminiiiiiiiiiiiiiste ! intégriste du politiquement correeeeeeeeect !

- Les dangers de la revendication : la punition de la femme qui revendique

La femme qui dérange ainsi la routine, ou qui apparaît comme une féministe risque d'être brimée par un supérieur macho (ou une supérieure miso..), ou de voir son dossier avec moins de bienveillance par une administration ou d'une banque ou d'un autre fournisseur…

- La peur du rire, sanction de la violation de la coutume, et le risque d'insister sur un aspect sexuel

Attention mot piégés : La femme qui parle de son appellation peut craindre de déclencher :
- Une agression verbale, sous prétexte qu'elle aura "parlé la première" d'un sujet ayant un rapport avec la sexualité…
- Le rire, sous prétexte du prétendu côté dérisoire de la demande, et à cause de la référence sexuelle.
 Le rire joue, ici comme dans d'autres domaines[1] , sa fonction de répression de la violation de la coutume.
- Enfin, elle risque d'être qualifiée d'"hystérique" (au sens sans doute où Freud l'entendait[2] !…)

 «Des féministes hystériques. : Ces féministes s’insèrent dans le courant du « politiquement correct ». Pour elles, tout le langage contribue à conforter le pouvoir patriarcal et à véhiculer de génération en génération la hiérarchie sexuelle dans la société. Alors, qu’on élimine les termes génériques comportant comportant « man ou men » ou toute allusion à la vie personnelle, exigent elles. Policeman devient Policeperson. On n’appelle plus une vieille fille Miss mais Ms. Une véritable épuration linguistique, on le voit, qui sévit dans certaines universités et dans une partie de la presse. »[3]

- Le coût en temps et en argent

Enfin, last but not least, le coût en temps et en argent des démarches qu'il faut faire pour obtenir des autres, de tous les autres (les impôts, la poste, les caisses de maladie et de retraite, la poste, l'assurance, l'employeur, l'employeur du mari, les fournisseurs, l'école, les fichiers publicitaires…etc, etc) qu'ils utilisent l'appellation que vous avez choisie, est vraiment dissuasif !


[1] Nous publierons dans un prochain numéro un article sur la fonction du rire
[2] cf le cas de Dora dans "Cinq Psychanalyses" PUF 1954 (Nous publierons dans un prochain numéro une étude sur l'agression)
[3] Béatrice Majnoni d’Intignano Femmes si vous saviez... Ed de Fallois 1996

L' INEFFICACITE DES RECOURS JURIDIQUES 1/


L' INEFFICACITE DES RECOURS JURIDIQUES


- Atteinte à la vie privée et violation du secret professionnel

Le code civil (article 9) prévoie que "Chacun a droit au respect de sa vie privée" et précise que les juges peuvent prendre en référé toutes mesures de nature à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée.

Le code pénal ne protège la vie privée que dans les cas où il y est porté atteinte :
- par des procédés d'"espionnage" : enregistrement de paroles prononcées dans un lieu privé, représentation de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. Le commerce d'appareils permettant cet espionnage est également puni. (articles 226-1 s.)
- par la tenue de fichiers, informatiques ou non, particulièrement quand les informations fichées concernent la vie politique ou les origines de la personnes. (articles 226-16 s.).
- ou bien en cas de violation du secret professionnel (article 226-13 s.)

La protection de la vie privée par la voie civile paraît plus efficace car elle permet des mesures d'urgence.
Seule l'atteinte au secret professionnel peut concerner le cas de la révélation de la situation matrimoniale.
Mais dans les deux cas, les juges pourraient considérer que l'atteinte à la vie privée n'est pas constituée dans le cas de la double appellation. L'atteinte à la vie privée par la double appellation est "invisible", tout se passe comme si elle n'en était pas une : pourquoi les juges la verraient ils si la loi ne leur dit pas explicitement qu'elle existe ?

Cette invisibilité est d'autant plus à craindre qu'aucun de ces deux codes ne définit la notion de vie privée.

La notion de vie privée selon la jurisprudence pénale est particulièrement restreinte, mais on a vu plus haut que la situation matrimoniale est de toute façon au cœur de la notion. Elle est entendue de manière plus extensive par la jurisprudence. Ainsi par exemple : " toute divulgation de l'adresse du domicile ou de la résidence d'une personne sans le consentement de celle-ci, constitue une atteinte illicite à la vie privée" selon le Tribunal de grande instance de Paris[1]. Quand au juge européen, il "a une conception la plus large possible de la vie privée, qui dépasse de beaucoup celle dégagée par le juge pénal qui ne recouvre qu'une infime partie de celle ci"[2].
Il peut sembler qu'à priori la révélation de la situation matrimoniale devrait être reconnue comme atteinte à la vie privée par n'importe quel juge, s'il applique les principes généraux.»mais en réalité ce n'est pas du tout évident car trop souvent à l'égard des femmes, les principes généraux sont totalement perdus de vue par les juristes : les femmes c'est tellement différent et pas pareil….

De plus, le jugement des magistrats peut encore être troublé par la conception de la notion de secret.

La situation matrimoniale d'une personne fait partie des mentions de l'état civil, accessibles à la connaissance de tiers.
En effet, le décrêt n°62-921 du 3 août 1962 modifié par le décrêt n°68-856 du 2 octobre 1968 (art.10) relatif aux actes d'état civil et à leur publicité prévoit que les extraits d'actes de naissance mentionnent " l'année, le jour, l'heure et le lieu de naissance, le sexe, les prénoms et le nom ….. les mentions de mariage, de divorce, de séparation de corps et de décès", peuvent être délivrés à "tout requérant".
Les modalités de délivrance de ces extraits sont précisées par l'instruction relative à l'état civil du 11 mai 1999, (mise à jour de juillet 1999) § 200 à 200-2.
Certains juristes en déduisent hardiment que la situation matrimoniale d'une personne ne relève pas de la protection de la vie privée, et en concluent que la divulgation d'information sur la vie privée d'une femme, par la double appellation, n'est pas non plus une atteinte fautive au secret de la vie privée.
Ce raisonnement omet le fait que la révélation de cette situation par la double appellation est un acte discriminatoire envers les femmes. De plus il est démenti par la jurisprudence pénale (voir paragraphe suivant)… il n'empêche qu'il est tenu par des professionnels du droit.

En ce qui concerne le secret professionnel, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a précisé à plusieurs reprise que même si le fait a ou aurait être connu par ailleurs, sa révélation par un professionnel ne serait ce qu'à une personne, est répréhensible :
"La disposition de l’article 378 est générale et absolue et les règles qu’il édicte doivent recevoir application encore bien qu’il s’agisse d’un fait connu ou simplement susceptible de l’être." Crim. 12 avril 1951, , 24 janvier 1957, 25 janvier 1968, 8 février 1994
" Le principe posé par l’article 378 est général et absolu même s’il s’agit d’un fait connu dans son ensemble lorsque l’intervention du dépositaire du secret entraîne la divulgation de précisions qu’il était seul à connaître. " Crim. 7 mars 1989,
" La connaissance des faits par d'autres personnes n'est pas de nature à leur enlever leur caractère confidentiel et secret " Crim 22 novembre 1994.
"La révélation des secrets professionnels, réprimée par l'art. 378 code pénal, n'en suppose pas la divulgation; elle peut exister légalement, lors même que la connaissance en est donnée à une personne unique." Crim. 21/11/1874 .

Elle motive cette obligation du professionnel par sa situation de "confident nécessaire", par l'obligation dans laquelle se trouve autrui de confier l'information au professionnel :
" Si celui qui a reçu la confidence d'un secret a toujours le devoir de le garder, la révélation de cette confidence ne le rend punissable que s'il s'agit d'une confidence liée a l'exercice de certaines professions; ce que la loi a voulu garantir, c'est la sécurité des confidences qu'un particulier est dans la nécessité de faire à une personne dont l'état ou la profession, dans un intérêt général et d'ordre public, fait d'elle un confident nécessaire. " Crim. 19/11/1985

Et elle précise que l'intention de nuire n'est pas un élément constitutif de l'infraction :
"Le délit existe dès que la révélation a été faite avec connaissance, indépendamment de toute intention spéciale de nuire." Crim. 15/12/1885; DP 1886.1.347
L'intention répréhensible est celle de dire, et pas forcément de médire ou de nuire..

Le secret est protégé quelque soit la profession :
"Dans un souci de concision, le législateur n'a pas reproduit la liste de certains professionnels tenus au secret, qui figure actuellement à l'article 378 [ de l'ancien code pénal ] . Celle-ci est en effet inutile au regard de la définition générale que retient l'article 226-13 : sont soumises au secret professionnel les personnes dépositaires, soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, d'information à caractère secret." Circulaire du 14 mai 1993.


[1] 2 juin 1976, D.1977, J p 367, note R.Lindon.
[2] Isabelle Lolies "La protection pénale de la vie privée" Presse universitaire d'Aix-Marseille 1999