LE DROIT APPLICABLE : LA LIBERTE DE
CHOISIR SON APPELLATION
- Contenu (par défaut) du droit de l'appellation
L'appellation ou civilité "madame" "monsieur" etc… ne
fait pas partie de l'état civil d'une personne, en droit, elles n'ont aucun
rapport avec le sexe, l'âge, ou la situation matrimoniale de la personne.
Contrairement aux titres dont l'usage peut être règlementé dans certains
cas[1],
aucun texte ne régit, ne restreint, leur utilisation, qui est donc entièrement
libre.
Tout le monde peut s'appeler et se faire appeler à sa guise
"madame", "monsieur", "mademoiselle",
"mondemoiseau".» y compris sur les documents les plus officiels :
actes notariés, diplômes etc…
- Sources législatives et règlementaires (absences de..)
Aucune loi n'oblige et n'a jamais obligé une célibataire à s'appeler
mademoiselle, de même qu'il n’existe pas de loi ayant "autorisé" les
célibataires à s'appeler madame. Elles ont toujours eu ce droit.
Le seul texte applicable en la matière est la déclaration des droits de
1789 elle-même, article 5 " (…)Tout ce qui n’est pas défendu par la
Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle
n’ordonne pas. "
- Circulaires et réponses
ministérielles
On rappellera qu'en vertu du
principe de légalité et en application de la Constitution, seules la loi et le règlement
s'imposent aux français.es, à condition d'être conformes à la Constitution et
aux traités internationaux signés par la France, les règlements devant être
conformes aux lois.
Les circulaires sont des
"ordres" donnés par les ministres à leurs administrations. Certaines
sont publiées et peuvent dans certains cas créer des droits au profit des
administré-es. Mais elles ne s'imposent pas aux administré-es : "Le juge
judiciaire, tant en matière répressive qu'en matière non répressive, refuse en général
de tenir compte des circulaires administratives"[2].
Plusieurs circulaires et réponses
ministérielles rappellent le droit applicable en ce domaine (exposé dans le
premier paragraphe ci dessus) :
Circulaire ministérielle du
22/9/1967 fp n°900 ; du 3/12/1974 n°1172 du secrétaire d’état auprès du premier
ministre (fonction publique) Gabriel Peronnet ; Lettre du ministre de la santé
et de la famille du 29/9/1978 (siomss 78-1028-410 im/ri);
Réponses ministérielles :
question n°11739 » du 10/7/1972, n°11886 du 1er/9/1972, n°5128 du
3/3/1983 JO sénat du 14/4/1983 p572 (Yvette Roudy) ; n ° 12378 à la sénatrice
Luc journal des débats du sénat du 24/11/1983 p1608.
Mais nombre de documents et
formulaires émanant de l'administration donne à croire qu'il n'y a pas de
liberté de choix de l'appellation.
Ainsi, l'instruction générale sur
l'état civil du 11 mai 1999 fait apparaître :
- (§193-2) sur les formulaires de
demande de copies intégrales ou d'extraits d'acte de l'état civil, les
intitulés de champs suivants : " c Mme c Mle c Monsieur "
- (§ 267) dans un modèle de
lettre " J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'une inscription a été
prise au répertoire civil au nom de M (Mme ou Mlle) .. né(e) le …"
- (§ 389-1) dans un modèle de
lettre "J'ai l'honneur de vous prier de bien vouloir procéder à une
enquête sur la situation de M… domicilié à… et Mlle .. domiciliée à … qui ont
constitué un dossier de mariage..", pourtant dans une lettre correspondant
à la même situation, l'instruction propose une "notification aux futurs
époux" commençant par ces termes : "Madame, (Monsieur), j'ai
l'honneur…".
- (§461-3) dans plusieurs modèles
de certificats médicaux : "Je, soussigné (e) Docteur ..; certifie que
Madame (Mademoiselle) … a accouché d'un enfant.."
- Droit de la langue française
Le Conseil Constitutionnel, dans
sa décision n°94-345 DC du 29 juillet 1994 (relative à la "loi
Toubon") a rappelé que l'obligation, sous peine de sanctions, d'user de
certains mots ou de certaines expressions porterait atteinte à la liberté
d'expression proclamée par l'article 11 de la déclaration de 1789.
On peut estimer qu'il en serait de même de l'interdiction systématique
d'emploi de certains mots.
- Autres textes généraux français que nous estimons applicables au
problème de l'appellation :
Le préambule de la Constitution de 1946, reconnaît parmi les
"principes particulièrement à notre temps", l'égalité de droit entre
hommes et femmes.
Le code civil (art 9) prévoit le droit au respect de la vie privée.
Le code pénal prévoit des sanctions dans le cas de certaines
discriminations (art. 225-1 et suiv.), atteintes à la vie privé, violation du
secret professionnel (art. 226-13), injures.
Le Conseil Constitutionnel a affirmé que le droit au respect de la vie
privée constitue une composante de la liberté individuelle : "Considérant
que les méconnaissances graves du droit au respect de leur vie privée sont pour
les étrangers comme pour les nationaux de nature à porter atteinte à leur
liberté individuelle" (Décision 97-389 DC du 22/4/1997 , JO 25/4/1997
p6271s)
- Droit international (textes généraux que nous estimons applicables au
domaine de l'appellation) :
La convention européenne de 1950 proclame l'égalité entre hommes et
femmes , le droit à la liberté d'expression (art 10) et à la protection de la
vie privée (art. 8).
Le pacte international de New
York relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 (art.17 droit
à la vie privée)
La déclaration universelle de 1948 proclame les mêmes droits fondamentaux :
l'égalité entre hommes et femmes, le droit à la liberté d'expression (art. ) et
à la protection de la vie privée (art.).
Convention sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de 1979
prévoit que les Etats s'engagent :
- à modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire,
coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes,
- à adopter les mesures
législatives et d’autres mesures appropriées assorties, y compris des sanctions
en cas de besoin, interdisant toute discrimination à l’égard des femmes.
- Doctrine et droit étranger sur la double appellation :
Faute de recherche systématique sur la situation à l'étranger, la liste
qui suit n'a rien d'exhaustif .
L'UNESCO a publié une brochure
intitulée " Pour un langage non sexiste" :
" Un des principaux domaines
dans lesquels l’UNESCO mène son action en faveur de la justice, de la
non-discrimination et de l’égalité des chances (.») est le langage. Il est donc
de son devoir de s’employer (.») à éliminer de son propre discours (.») toutes
formes de langage discriminatoires et notamment celles qui reflètent des
préjugés sexistes. Cet effort doit porter à la fois sur les modes d’expression
et sur les contenus, explicites ou implicites. (.»)
il s’agit d’éviter quand on parle
de personnes déterminées qui sont des femmes : (…)
- les appellations qui
établissent une distinction entre les femmes selon leur situation matrimoniale
(« Madame », « Mademoiselle ») en leur déniant ainsi une
identité propre puisque leur identité se trouve définie par leur relation avec
les personnes de l’autre sexe (cette distinction, qui n’a aucune valeur
juridique et qui tend d’ailleurs à s’estomper, n’est pas faite dans le cas des
hommes et a donc un caractère discriminatoire)."
Arrêté du gouvernement de la Communauté française de Belgique établissant
les rèles de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre du 13
décembre 1993, annexe 2, recommandation 5 :
"Il est recommandé de généraliser l'appellation Madame en lieu et
place de Mademoiselle, dans les textes visés par le décrêt".
Marcelino Oreja Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe, déclaration à Strasbourg le 4 mars 1986[3] :
« (.») Une femme a droit au
respect de son identité et de sa vie privée. Qu’un homme soit marié ou non, la
façon dont nous nous adressons à lui ne change pas. Nous l’appelons
« monsieur » ou « Sir » ou »senor ». Il n’en va pas de
même pour les femmes que l’on appellera suivant le cas « madame » ou
« mademoiselle », « senora » ou « senorita ». Ne
pourrait-on pas supprimer cette distinction et appliquer pour les femmes le
même principe que pour les hommes ?»
A noter qu'en Allemagne, dans la vie professionnelle, on utilise toujours
le terme Madame.
Totalement orienté, la notion de civilité attaché au patrimoine de la personne est une bien immatériel récent.
RépondreSupprimerIl est né de la distinction de l'homme citoyen détenteur de droit à l'être humain régit sous le code "commercial" bien meuble.
Cas des personnes transgenres: pour des raisons évidentes, les transgenres qui n'ont pas encore bénéficié d'un changement d'identité de manière officielle et dont le prénom et le sexe mentionnés sur la carte d'identité sont toujours ceux assignés à la naissance, désirent que la civilité conventionnellement assignée à ce stade n'apparaisse pas dans les documents officiels (entre autres). La connaissance de la Loi (ou plutôt la non-loi?) en la matière leur permette donc de faire valoir ce droit.
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