PHILOSOPHIE
DU DROIT DES FEMMES
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LE RIRE DU DIABLE
LE RIRE .»
La joie serait le sentiment de la victoire.
Le rire serait le sentiment de l’échec, de la vie devant du
mécanique.
Survivre suppose des victoires.
Le malheur est comique parce qu’il arrive toujours : en
rire c’est ne pas oublier d’être joyeux malgré lui.
Entre habitués des persécutions en tout genre, rire du
malheur, de la bêtise des choses, de la mort dans la vie, c’est ne pas oublier
que comme nous la comprenons, nous pouvons la vaincre,
(nous devons essayer de la vaincre, en ce sens : ne pas
oublier d’être joyeux).
Le rire est le début de la victoire - ensemble - de
l’intelligence sur la mort.
Il faut avoir la bêtise de croire que le malheur n’arrive
qu’aux coupables pour ne rire que par moquerie.
Pour rire d’eux et pas avec eux.
.» ET CELUI DU DIABLE
Le plaisir est le guide animal, instinctif, vers ce qui nous
permet de survivre.
Le pervers utilise ce qui est pour le bien, pour le mal, ce
qui est pour la vie pour la mort.
D’où :
Le rire du diable est le plaisir de la mort de l’autre. La
jouissance de vaincre en écrasant le plus faible.
DERISOIRE
Le plus faible qui se révolte est risible : il se débat
vainement, vaincu d’avance.
Les problèmes des petits, des femmes, apparaissent
dérisoires, parce qu’ils viennent de gens qui paraissent en eux mêmes
dérisoires, quantité négligeable.
Comment a t on pu rire des femmes battues, comment les
lettrés chinois ont ils pu rire de la question des pieds bandés, comment les
médecins viennois du XIX° ont ils pu rire, au point de le rendre fou, du Dr
Semmelweiss qui, dans un hôpital où plus de la moitié des accouchées mourraient
de fièvre puerpérale[1],
avait découvert que se laver les mains avant de toucher les femmes réduisait
les cas d’infection et demandait que cette méthode soit appliquée .», comment
De Gaulle a-t-il pu parler d’un ministère du tricot, sinon par cet automatisme
de mépris ?
La loi du plus fort veut que le plus fort ait raison.
Les frustres confondent plaisir de triompher avec vérité.
Ils prennent leur envie de rire pour la preuve que le plus
faible a tort.
Alors que le rire est l’indice d’une oppression.
Si le plus faible se débat c’est qu’il souffre, si les plus
forts rient c’est de leur triomphe sur lui, c’est qu’il y a triomphe, qu’ils en
retirent profit, c’est que la souffrance du plus faible n’est pas un fait de la
nature, mais une situation d’exploitation.
Si le combat du plus faible est perdu d’avance c’est que le
déséquilibre des forces est trop grand.
L’exploitation rendue possible par le déséquilibre des
forces s’appelle l’oppression.
Il y a des rires dont on doit avoir honte.
Rires de porcs vautrés dans leur plaisir d’écraser.
PUNITION DE LA VIOLATION DE LA COUTUME
Byzarrement, Bergson[2] ne
semble voir dans le rire que le rire sur l’autre, la moquerie.
Après avoir expliqué que le rire
vient " Du mécanique plaqué sur du vivant" : " Nous rions
chaque fois qu'une personne nous donne l'impression d'une chose", Henri
Bergson décrit la fonction punitive du rire.
"En un mot, si l'on trace un
cercle autour des actions et dispositions qui compromettent la vie individuelle
ou sociale et qui se châtient elles mêmes par leurs conséquences naturelles, il
reste en dehors de ce terrain d'émotion et de lutte, dans une zone neutre où
l'homme se donne simplement en spectacle à l'homme, une certaine raideur du
corps, de l'esprit ou du caractère, que la société voudrait encore éliminer
pour obtenir de ses membres une plus grande élasticité et la plus haute
sociabilité possibles. Cette raideur est le comique, le rire en est le
châtiment."
"Le rire est, avant tout,
une correction. Fait pour humilier, il doit donner à la personne qui en est
l'objet une impression pénible. La société se venge par lui des libertés qu'on
a prises avec elle.(…) En général et en gros, le rire exerce sans doute une
fonction utile. (…). Mais il ne suit pas de là que le rire frappe toujours
juste, ni qu'il s'inspire d'une pensée de bienveillance ou même d'équité.
Pour frapper toujours juste, il
faudrait qu'il procédât d'un acte de réflexion. Or le rire est simplement
l'effet d'un mécanisme monté en nous par la nature, ou, ce qui revient à peu
près au même, par une très longue habitude de la vie sociale.(…) Le rire châtie
certains défauts à peu près comme la maladie châtie certains excès, frappant
des innocents, épargnant des coupables, visant à un résultat général (…) Il en
est ainsi de tout ce qui s'accomplit par des voies naturelles au lieu de se
faire par réflexion consciente. (…) Répétons qu'il ne doit pas non plus être
bon. Il a pour fonction d'intimider en humiliant. "
UNE SI PETITE HUMILIATION
Les revendications des femmes contre les petites
humiliations semblent dérisoires. Le rire semble une petite humiliation. Il y
aurait toujours plus urgent à faire.
L’humiliation n’est jamais gratuite,
jamais uniquement symbolique.
Personne n’accepte de courber
l’échine devant un autre, de « se laisser humilier avec le sourire »,
s’il n’y est pas contraint, acculé, s’il n’est pas dans une telle position de
faiblesse, que bien d’autres contraintes abusives, injustices et violences
peuvent lui être infligés.
On n’humilie pas par
inadvertance, si celui qui humilie était quelqu’un de bien il n’humilierait
pas, ou s’arrêterait et s’excuserait immédiatement.
L’humiliation est menace
d’employer la force, elle sert à obtenir ce que l’on veut sans même se fatiguer
à employer la force, à obtenir la résignation de l'autre à son sort, elle
prépare et facilite toujours des violences physiques, de l’exploitation
économiques donc finalement physique de l’humilié-e.
« Puisqu’une femme, telle
femme, prend moins un air de dignité, mérite moins de respect, d’estime,
puisqu’elle a moins de poids, c’est que sa parole, ses actes ont moins de
poids, c’est qu’elle et son travail valent moins.» » estiment plus ou moins
explicitement les supérieurs hiérarchiques.
Dès lors que l’humiliation parait
possible d’autres domaines, elle n’est plus exclue dans le domaine physique, or
là, l’humiliation se confond avec la violation de l’intégrité physique.
Une si petite humiliation…
Personne ne vous menace vraiment,
vous paraîtriez bien folle si vous le disiez, mais tous les jours, cent fois
par jour, de tous petits signes "symboliques" vous rappellent une
menace possible.
Le message distillé aux femmes par cette si petite
humiliation est bien : " Vous n'arriverez même pas à obtenir un droit si
dérisoire, gare à vous si vous tentez d'en revendiquer de plus importants
!"
L'humiliation comme terrorisme subliminal.
Toute discrimination est une
humiliation.
L'impunité d’une discrimination
encourage la violation des droits, accrédite l'idée que la violation des droits
(des femmes) n'est pas si grave…. L'impunité de la violation d'un droit est
facilement confondue avec l'absence de droit, laquelle est facilement confondue
avec l'absence de valeur de la personne qui ne "mériterait" pas ces
droits. Le mépris des droits des femmes a pour conséquence le mépris des
femmes.
Or "Faire souffrir quelqu'un
de second ordre est un crime moins grave de second ordre lui aussi…"[3]
Retour au dérisoire, et les
diables sont d’avance excusés.
Elisseievna
[1] Dans l’hopital en question
la morgue voisinait la maternité, les étudiants pouvaient librement s’amuser à
toucher les accouchées sous divers prétextes, et passaient des séances
d’autopsie à l’ »examen » des femmes, d’où la quantité des fièvres,
dont les femmes mourraient, le corps envahi de pus, dans des souffrances
intolérables, qui ne dérangeaient pas grand monde parmi les médecins en dehors
de Semmelweiss.
[2] Henri Bergson Le Rire Essai
sur la signification du comique PUF 1940
[3] Véronique Nahoum-Grappe
"Le féminin" Ed Hachette 1996
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